Bourguiba et le retour régulier de son message d’outre-tombe


Par Mansour M’henni
Vingt-cinq ans après sa mort, Bourguiba continue d’être de plus en plus présent dans notre « mémoire d’avenir », de par l’impact qu’il a laissé dans notre affect et dans notre intellect en termes d’attachement à la patrie, de dévouement pour la socialité solidaire et de mobilisation pour l’intelligence aussi démocratique que possible. Je le dis aujourd’hui à travers les étapes franchies dans ma vie, celle d’un modeste citoyen éduqué à l’école bourguibienne, engagé d’abord dans l’opposition de gauche et dans les rangs de l’UGTT, puis impliqué dans le système avec des précautions non maitrisables totalement, jusqu’à voir le pays plonger dans un tourbillon qu’on croyait porteur de nouvelle fraîcheur mais qui finit de nous faire suer dans ses tours et détours plus brulants que toute chaleur.
Ce dimanche du 25ème anniversaire de Bourguiba, j’ai relu mes chroniques écrites, depuis 2011, à toutes les dates symboliques se rapportant à la personne de « Combattant suprême ». Toutes me redonnent cette foi solide en Bourguiba comme un référent central de notre socialité en construction permanente, malgré les séismes qui en détruisent certains pans. Toutes consolident ma conviction que tous les politiques de mon pays, à part une catégorie particulière que je ne qualifierais d’aucun adjectif, s’avèreraient de vrais bourguibiens, plus même que certains prétendus bourguibistes. Et cela me replonge dans cette journée que je ne me lasserai jamais d’évoquer : Le jeudi 6 avril 2000, j’étais à Val d’Aoste parmi les quatre écrivains invités de quatre continents pour fêter la francophonie et nous devions parler, l’après-midi, dans le parlement de la région après des séances de conversation dans des classes de certaines écoles. J’ai reçu la triste nouvelle en montant dans ma chambre avant le déjeuner. Je suis vite descendu pour la communiquer au groupe dans une profonde douleur et j’ai décidé en moi-même que je ne parlerais pas si un signe symbolique n’était pas fait à l’occasion. A l’ouverture de la séance, le premier responsable de l’organisation de l’événement, feu Sergio Zoppi, a pris la parole pour dire, en substance : « Aujourd’hui la Tunisie a perdu son fondateur en tant qu’Etat moderne et indépendant ; mais il était aussi un des grands hommes politiques du monde d’aujourd’hui et a forcé un profond respect pour son pays et pour sa personne, aux quatre coins du monde. Je vous invite donc à observer une minute de silence en hommage à son intelligence et à son dévouement, au service de son pays mais aussi à celui des causes justes et des valeurs nobles de dimensions internationales ! »
Je ne saurais rendre compte du temps que mes yeux avaient arrosé de leurs larmes, mais je sais aujourd’hui que tout hommage ponctuel qu’on rend à Bourguiba est une occasion de repenser sa vision des choses avec une intelligence éduquée à son école et une fidélité puisée dans sa foi et nourrie de sa fine sensibilité. C’est au nom de cette reconnaissance que je suis engagé avec des amis dans l’organisation annuelle du colloque « Habib Bourguiba, mémoire d’avenir », un colloque parrainé par l’Université de Sousse pour signifier que cette rencontre n’est pas conçue dans le sillage du culte à la personnalité de Bourguiba, mais comme un champ d’étude à creuser et à développer autour de la pensée et de la culture bourguibiennes, pour mieux envisager l’avenir, sur la base des acquis du passé.
« Bourguiba et son message d’outre-tombe » était le titre de ma chronique ici-même un certain 06 avril 2014. Ce message nous revient encore plus fort en ce 06 avril 2025, pensons-le comme il aurait souhaité que nous le pensions !



