Chronique14/02/2014 à 16:36
Terrorisme : Avons-nous d’autres choix que de le combattre ?
Par Boubaker Ben Fraj
Par delà l’insuffisance des informations fournies par les porte-paroles du ministère de l’intérieur sur le déroulement des opérations menées en ce début du mois de février par les forces de l’ordre, contre les cellules terroristes de Raoued et de Borj-Louzir, et mises à part les questions justifiées qui attendent encore des réponses convaincantes, à propos du timing de ces opérations et la manière dont elles ont été menées, personne ne peut aujourd’hui douter du succès de ces actions, ou nier qu’elles ont permis aux forces de sécurité, d’asséner un coup dur - même s’il est encore loin d’être décisif - aux réseaux terroristes, qui cherchent par tous les moyens depuis trois ans, à s’implanter durablement en Tunisie et à y étendre des racines et des tentacules.
Côté bilan, ces opérations n’ont pas seulement permis de neutraliser en les tuant des terroristes dangereux et notoires, tels que Kamel Gadhghadhi, présumé assassin de Chokri Belaid, et d’arrêter plusieurs autres figures non moins dangereuses, tel que Hamid-Al-Maliki, alias le Somalien, impliqué dans l’assassinat de Mohamed Brahmi; elles ont aussi fourni à la police, un précieux butin d’informations sur les filières jihadistes opérant dans le pays ; ce qui aidera sans aucun doute à mieux connaitre leurs véritables desseins et motivations, leurs structurations, les moyens humains et logistiques dont elles disposent, leurs ramifications en Tunisie et leurs connections avec l’extérieur.
Ce qui permet de conforter notre optimisme au-delà de ces opérations en elles-mêmes, c’est le fait de constater qu’elle n’étaient pas isolées ; mais qu’elles s’inscrivent au contraire sur le plan opérationnel, dans une démarche plus entreprenante, plus offensive, plus claire et plus ascendante, dans la lutte menée en commun par les forces de sécurité et l’armée nationale contre le terrorisme. Les actions menées au cours des derniers mois au Chambi, à Sidi Ali Ben Aoun, à Goubellat et dans d’autres lieux traduisent, contrairement au laxisme que tout le monde a constaté auparavant, une franche détermination, à endiguer l’extension du phénomène.
Et de cet élan, on ne peut que se réjouir, même s’il ne nous est pas permis de pousser l’optimisme jusqu’à espérer que les forces de sécurité et l’armée puissent à elles seules, et à court terme, venir à bout de ce sinistre phénomène.Quoi qu’il en soit, Il est clair que le combat mené sur le plan intrinsèquement sécuritaire ces derniers mois contre la pieuvre terroriste dans notre pays a réalisé des résultats concrets et probants, qui peuvent préfigurer de nouvelles victoires contre ce fléau.
Traqués dans leurs bases et leurs retranchements, privés d’un grand nombre de leurs dirigeants, en partie coupés de leurs sympathisants et probablement de leurs sources d’approvisionnements et de leur dispositif logistiques, nos jihadistes semblent aujourd’hui être en grande difficulté - et c’est tant mieux- et de moins en moins capables de renverser un rapport des forces, qui n’est plus comme ce fut le cas à un certain moment, en leur faveur.
Cependant, peut-on exclure de les voir en désespoir de cause, recourir dans le futur, à d’autre modes d’action plus insidieux et plus perfides qui prendraient la forme d’actions d’éclats, hautement médiatisables. Actions paradoxales, suicidaires peut-on dire, auxquelles recourent souvent les groupes terroristes, lorsqu’ils cherchent à escamoter leur déroute stratégique par l’impact psychologique que des actes désespérés et souvent sanguinaires exercent sur les opinions.
Ceci nous fait penser que la guerre engagée pour extirper le fléau terroriste implanté dans notre pays est une affaire complexe et de longue haleine. Et si les succès remportés au cours de ces dernières semaines sont rassurants, ils ne doivent en aucun cas nous faire oublier que le terrorisme dispose encore chez nous et chez nos voisins, d’un terreau fertile, qui peut lui redonner de nouveaux souffles, de la vigueur, de la substance et des moyens d’action.
Pour toutes ces raisons, le combat contre le terrorisme ne pourra donner des résultats définitifs ou durables, que lorsqu’il s’attaque dans le cadre d’une stratégie globale, aux multiples facteurs tant endogènes qu’exogènes qui le génèrent, et qui lui donnent ses mauvaises graines et ses fausses raisons d’être et d’agir.
Une lutte totale et de longue haleine, qui peut être coûteuse certes ; mais la Tunisie a-t-elle d’autres choix que de s’y engager avec autant de détermination et de fermeté, que de lucidité et d’intelligence.